A la Recherche du Rythme Perdu
Réflexion sur l’écriture N° 2 Pour piano, percussion et bande (1972 – février 1978)
Cette pièce n’est pas vraiment une pièce nouvelle, pourtant elle n’est pas non plus une nouvelle version d’une pièce ancienne. Mais soyons clairs: il y a ici utilisation de la même bande magnétique que pour Musique Socialiste – programme commun pour clavecin et bande, pièce qui a été réalisée en 1972, année de la signature du Programme Commun de la Gauche. Quant à la partition, si elle n’est pas totalement nouvelle (elle utilise en partie les mêmes notes), elle contient des propositions qui sont différentes; je vais essayer de m’en expliquer. Musique Socialiste était destiné au clavecin, mais surtout à des interprètes venus de la musique classique. L’expérience de ceux-ci les conduisant à reproduire instrumentalement l’écriture du compositeur. Dans A la recherche du Rythme Perdu, je voudrais m’adresser à des musiciens venus du jazz. Ce qui veut dire que les notes qui sont pour les musiciens classiques un code de jeu, sont ici des indications d’ambiance, plus que des signes à reproduire instrumentalement. L’histoire de cette partition est un peu l’histoire d’une expérience, d’où le titre « réflexion sur l’écriture ». Les musiciens classiques ont l’expérience de la forme globale, donc d’un parcours musical avec ses progressions et ses dégressions. Les musiciens de jazz ont l’expérience du moment, du détail, du rythme et de la communication intuitive entre eux. C’est pourquoi cette partition comporte moins de notes, et surtout, comme il est dit plus tard, des notes qui ne sont pas obligatoirement à jouer, mais, plus d’indications de parcours général. Si j’ai dit qu’il s’agissait plus d’une nouvelle pièce que d’une nouvelle version, c’est que la musique qui sort de là est totalement différente, on peut seulement dire qu’il y a une parenté d’expression, oserais-je dire (après avoir regardé dans un dictionnaire), qu’il y a une parenté lyrique. Quelques mots à propos du titre. J’ai quelquefois l’impression que ce que j’appelais tout à l’heure le code, le respect de l’écriture (c’est-à-dire de la loi), a occulté l’intuition musicale, a censuré le sens du rythme, et peu à peu grignoté l’imagination des interprètes. (Il ne faut pas croire que je considère la pulsation de la bande comme un rythme; au même titre que l’écriture, elle est stérile, c’est seulement l’action qui donne vie à l’ensemble.) Ce que j’aimerais c’est que cette richesse perdue, on tente de la rechercher. Le rythme ne s’écrit pas, les petites différences qui font qu’un corps est animé d’une réalité rythmique sont si subtiles qu’elles échappent complètement à la grossièreté de l’écriture, ainsi doit se comprendre cette « réflexion sur l’écriture » Luc Ferrari, Paris en février 1978 P.S.: A la Recherche du Rythme Perdu peut être joué par un pianiste seul, mais il sera intéressant que cette pièce soit réalisée par un pianiste et un percussionniste. Dans ce cas, la percussion est une batterie de jazz à laquelle on peut ajouter: bongoes, congas et petits instruments ad libitum.