Analyses / Réflexions

Tête et Queue du Dragon  (1959 – 1960)

On peut donner un grand nombre d’explications qui pourraient sembler contradictoires, selon que l’on s’attache à présenter une facette plutôt qu’une autre. La difficulté est le choix de la facette, car elles sont toutes liées par un organisme d’ensemble.

 

Comme généralité, je peux dire que l’œuvre est née d’une juxtaposition d’états n’ayant d’autres rapports entre eux que le moment dans lequel ils se sont proposés, de la friction de ces dits états disparates et du choc de leur hétérogénéité.

 

Ainsi je peux dire que je crois aux rencontres et que je nie le hasard qui semble en être l’instigateur.

 

Un certain nombre de problèmes ont été abordés dans cette œuvre ce qui ne veut pas dire qu’ils ont été résolus.

La rencontre entre idée indéfinie et schéma, entre schéma et partition, entre partition et matière, entre matière et structure ne peut qu’être troublante, ou bien la volonté que l’on a de moduler les choses jusqu’à ce qu’elles entrent en rapport les unes et les autres pourrait servir d’explication.

Je pourrais presque dire qu’une sorte d’expression est née de ces rencontres, qu’elle semble retrouver le premier départ de l’idée indéfinie, et me contenter de ce bénéfice.

 

Le problème à l’origine était de faire vivre les sons et que leur évolution ne soit pas condamnée par la structure. D’autre part la structure générale devait être intelligible et non pas découlé de celle des sons mais s’y juxtaposer et même peut-être s’y opposer.

C’est pour cela qu’un assez grand nombre d’éléments ont été fabriqués, représentant une sorte d’orchestration, puis ont été classés en plusieurs familles de forme, de matière ou de qualité d’évolution.

Tous les éléments sont en perpétuelle évolution, les répétitions sont ainsi rendues impossibles, ceci est le caractère commun de tous les objets musicaux employés. Et c’est justement par leur critère d’évolution qu’ils ont été classés

 

Itératifs à évolutions rythmiques plus ou moins rapides ;

Echantillons évoluant mélodiquement dans une tessiture donnée ;

Echantillons dont les évolutions dynamiques produisent des profils combinés et complexes ;

D’autres évolutions plus complexes encore réalisant une véritable polyphonie de mélodies, de profils et de masses ;

Le comble de l’évolution est obtenu par la succession rapide de petits objets qui forment des groupes composites mais qui peuvent être entendus selon le cas comme objet unique d’une très grande complexité rythmique.

 

Tête et Queue du Dragon  se divise en trois parties enchaînées.

La première partie représente la tête du dragon et prend forme grâce à une accélération discontinue des mouvements. Des fragments de rebondissements choisis dans certains moments de leur évolution sont liés par des échantillons sonores qui ont avec eux des caractères communs. Cette organisation horizontale compose indépendamment chacune  des quatre voies spatiales et provoque un certain désordre. Des groupes de notes très rapides au contraire rétablissent l’ordre et l’articulation en une structure appelée : “Principe unificateur vertical”.

 

Si la première partie est spatialement linéaire, la seconde est un cheminement vers une structure rythmique spatiale. Le corps du dragon est représenté par un morcellement progressif des groupes de notes à l’intérieur desquels sont introduits des éléments de contraste.

La troisième partie ou Queue du Dragon est une dispersion totale de tous les éléments de l’œuvre dans une mobilité extrême. La transformation du moindre fragment de tous les objets musicaux employés pourra servir de rythme d’espace.

 

La suite est barrée par Luc Ferrari :

L’itératif devient un itératif d’espace,

Le composite un composite d’espace,

L’échantillon un échantillon d’espace

 

Et cetera…